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journal du siège de paris.

n’est pas malheureux. Le jour commence à se faire sur la capitulation de Metz. C’est bien la famine, et non la trahison, qui a forcé Bazaine à se rendre. On parle toujours d’une grande sortie. Elle tarde bien. Il est possible qu’on ne veuille rien entreprendre tant que l’on croira à la probabilité de l’armistice. — Une avalanche de rumeurs. Garibaldi forme rapidement une armée considérable dans les Vosges. Le général Michel remplace le général Cambriels. Le colonel Lafon, des francs-tireurs parisiens, aurait battu les Prussiens près du Bourget et leur aurait pris quatorze canons. J’en doute beaucoup. Les assiégeants auraient démasqué, sur les hauteurs de Châtillon, une batterie de cent dix-huit canons Krupp et commenceraient le bombardement dans quarante-huit heures. Je continue à n’en rien croire. Napoléon III aurait abdiqué en faveur de son fils. Le prisonnier de Guillaume peut bien signer toutes les abdications du monde, je crois que son fils ne franchira pas de longtemps le seuil des Tuileries. Vous êtes bien heureux là-bas. Sans être millionnaires, vous pouvez manger des pommes quand le cœur vous en dit. Ici, une petite méchante pomme se vend quinze sous ; une poire, de vingt à vingt-cinq sous. Ce matin, j’ai marchandé par curiosité, des pommes d’api. Elles étaient grosses comme des cerises. On a eu le toupet de me demander trois sous pièce. Décidément je passerai l’année 1870 sans mordre à une pomme. C’est un petit malheur.