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journal du siège de paris.

Bismark, ont levé l’étendard de la guerre sainte et courent sus au giaour. On devait s’y attendre.

Vendredi soir, 11 novembre. – Beau temps, mais trop froid pour commencer l’été de la Saint-Martin. Pas de rapport militaire aujourd’hui. Les Prussiens se sont tellement fortifiés autour de Paris qu’il faudra faire un véritable siège pour les déloger des positions qu’ils occupent. On parle beaucoup moins de la fameuse sortie en masse qui doit les anéantir d’un seul coup. Je n’ai pas de confiance dans le succès de ce coup de tête. On fait une surprise avec 10,000 hommes, on n’en fait pas avec 400,000. Il faut au moins vingt-quatre heures pour faire sortir et mettre en ordre de bataille une pareille masse de troupes. Comme les assiégeants ne sont pas aveugles, ils réuniront un nombre sinon supérieur, du moins égal. L’armée prussienne se compose de troupes sérieuses, et sur les 400,000 hommes sortis de Paris, il faudrait compter au moins 200,000 gardes nationaux qui n’ont jamais vu le feu ; il est donc évident que toutes les chances seraient encore du côté de l’ennemi. On recommence à parler d’armistice. Instruits par les déceptions du passé, nous devenons de moins en moins crédules. Chaque jour nous enlève quelques-unes de nos dernières illusions et de nos dernières espérances. Les événements vont se précipiter. Nous n’avons plus de viande fraîche que pour une dizaine de jours. Si, cette fois encore, le vainqueur refuse l’armistice, il ne restera plus aux Parisiens qu’â combattre le combat suprême, en