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journal du siège de paris.

nement pas ce génie-là. Comme le nom de ce vieil énergumène, qui, depuis dix ans, n’a cessé de demander la tête du pape, sonne très mal aux oreilles catholiques, sa présence à la tête des armées françaises pourrait bien paralyser l’élan patriotique des provinces de l’Ouest et du Midi, où le sentiment religieux est encore si vivace. Les légumes commencent à baisser de prix. Tous les jours, sous la protection des forts, les maraudeurs vont faire dans les villages une abondante récolte à la barbe des Prussiens, qui n’osent s’approcher trop près des canons de la marine, qui portent à deux lieues. Pour le poisson frais, il faut être riche comme Monte-Cristo pour se payer une truite ou une sole. Comme les bouchers n’ouvrent plus leurs boutiques que tous les deux jours, les ménagères sont obligées de faire la queue comme aux théâtres pour avoir le pot-au-feu. On dit que nous allons bientôt être mis à la ration. Jusqu’à présent nous n’avons pas trop à nous plaindre. Il n’y a plus de beurre pour les petites et moyennes bourses. La cuisine se fait à la graisse. Dans les premiers jours, on faisait bien un peu la grimace ; aujourd’hui, on ne s’en aperçoit plus. Le fromage ne se trouve plus que sur la table des nababs. Pour moi, pauvre diable, je n’en ai pas vu depuis quinze jours, mais, comme le roi d’Yvetot, je dors fort bien sans gloire… et sans fromage.

Lundi soir, 17 octobre. — Pluie le matin ; à dix heures, soleil radieux, et temps presque chaud toute la journée. Combats d’avant-postes et canonnade du côté