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journal du siège de paris.

se montrer en masses considérables, était atteint. On savait maintenant que l’ennemi n’avait pas quitté les hauteurs qui s’étendent de Choisy-le-Roi à Châtillon, pour aller au-devant de l’armée de la Loire, comme on pouvait le croire, attendu qu’il n’avait pas donné signe de vie depuis cinq jours. À trois heures, les Français, qui ne veulent occuper plus longtemps ni Bagneux ni Châtillon, commencent à se replier pour rentrer à Paris. C’est à ce moment que les forts d’Issy, de Vanves et de Montrouge croisent leurs feux pour protéger la retraite des assiégés. Le paysage devant nous est très beau. Les bois de Meudon et de Clamart, avec leur feuillage sombre sur lequel se détachent quelques maisons blanches, forment le fond du tableau. Avec la lorgnette de mon compagnon je vois les bombes lancées par les forts éclater sur le plateau de Châtillon, où se trouve massée l’infanterie prussienne, qui nous est cachée par un rideau d’arbres. Quelques obus font explosion avant d’arriver à leur but et projettent une lueur rougeâtre sur les collines qui nous font face. Dans ce duo grandiose, le tonnerre des forts fait le basso cantante, et la fusillade, avec ses notes aiguës, joue le rôle de ténor. Tout cela est très pittoresque et très poétique. Malheureusement ce spectacle épique coûte trop cher à l’humanité, car, dans quelques instants, il faudra compter les morts et les blessés. À quatre heures, nous repassons le mur d’enceinte et nous prenons le chemin de fer pour rentrer chez nous. Dans notre trajet d’Auteuil à la Villette, nous voyons, du