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journal du siège de paris.

ébranle les colonnes de l’Exchange. Cette fermeté de toutes les valeurs publiques vaut une victoire, car elle donne du cœur au ventre à tous les boutiquiers et les rentiers, pour qui la cote de la bourse est la seule infaillibilité de ce monde. On se dit tout bas, à l’oreille, que les espions prussiens vont essayer d’empoisonner les bestiaux destinés à la nourriture des assiégés. Huit bœufs auraient succombé aux effets de l’intoxication. Je n’en crois pas un traître mot. L’Arc de triomphe de l’Étoile devient une véritable forteresse. Des plaques de fer l’enveloppent de la base au sommet, sur lequel on place des pièces de marine du plus fort calibre. On commence à voir des pièces de cinq francs en argent avec l’effigie de la République. C’est le modèle de 1848, une grosse tête de femme à l’expression bête et brutale. On parle de l’adoption par la patrie de tous les enfants des citoyens morts en combattant. Rien des Prussiens, qui ont abandonné les travaux qu’ils avaient commencés près de Choisy-le-Roi. Ils ont brûlé l’église de Créteil, dont le clocher servait d’observatoire aux francs-tireurs. La viande devient très rare, non pas que l’approvisionnement soit épuisé, mais par suite de la grève des bouchers, qui prétendent que le prix fixé par le gouvernement ne leur permet pas de rentrer dans leurs déboursés. Le veau n’existe plus qu’à l’état de souvenir. Les prix du mouton ont augmenté de 30% depuis trois jours. Il est probable, cependant, que cette crise tire à sa fin, car les autorités vont établir des boucheries municipales dans tous les quartiers. Par