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journal du siège de paris.

bulants de fruits et de poissons. Les marchands d’habits ne lancent plus, de leur voix nazillarde, le fameux archand d’habits ! Pourquoi ces derniers ont-ils aussi renoncé à la rue ? Je l’ignore. Si l’état de siège a fait disparaître une grande partie des petites industries du macadam, il a créé des spécialités nouvelles. Nous avons maintenant le marchand de bandes de drap rouge qui doivent être placées sur les pantalons de la milice citoyenne, le vendeur de chiffres en métal que le garde national met sur son képi, afin de faire connaître à tous ceux qui ont le bonheur de le contempler qu’il appartient à telle compagnie de tel bataillon. Il ne faut pas oublier la petite fille qui crie d’une voix aiguë : Du papier mince pour les lettres par le ballon ! Un sou le cahier, un sou ! Comme les remparts sont constamment gardés, il faut que chaque jour 60,000 gardes nationaux soient placés sur les fortifications. Dans toutes les rues, vous voyez un certain nombre de magasins fermés, avec cette inscription sur les volets : Tout le monde aux remparts ; sera ouvert demain. Les marchands de galette à un sou ont presque tous fermé leurs boutiques. Le beurre se vend trop cher pour qu’ils puissent continuer à fabriquer la galette et la brioche à un sou. Pensez que le beurre frais se vend dix francs la livre. Aujourd’hui les boulevards étaient encombrés. Impossible d’aller à la campagne, occupée, hélas ! par les Teutons. Il faut bien se contenter de Paris et de ses boulevards, quand les baïonnettes prus-