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journal du siège de paris.

de bonheur à les écrire pour vous. Il me semblait que nous causions chaque soir ensemble.

Comme je ne sais pas quand je pourrai vous écrire, je commence à noter, chaque soir, les nouvelles et les impressions de la journée. Je ne vous raconterai pas les grands faits du siège, que vous connaîtrez par les journaux, mais seulement les petits faits, les bruits et les cancans.

Mardi soir, 13 septembre 1870. — Aujourd’hui le général Trochu a passé la revue des gardes nationaux et des mobiles, en tout 400,000 hommes. Les boulevards, de la Bastille à la Madeleine, étaient occupés par la garde nationale. Les Champs-Elysées, de la place de la Concorde à l’Arc de triomphe de l’Étoile, voyaient la garde mobile déployée sur les deux côtés de la grande allée. Le gouverneur de Paris, que j’ai vu passer sur la place du Château-d’Eau, paraît plus jeune que le portrait publié par les journaux illustrés. Les cris de Vive la France ! Vive Trochu ! étaient très nombreux. Celui de Vive la République ! ne m’a pas semblé rencontrer le même écho.

Sur le trottoir, en face de la caserne du Prince-Eugène, en attendant l’arrivée du général Trochu, j’entends autour de moi les cancans les plus absurdes. Les uns disent que Napoléon III n’a capitulé à Sedan que pour donner 80,000 hommes de renfort aux Prussiens, qui doivent le remettre sur le trône quand ils auront pris Paris. Les autres prétendent, au contraire, que ces 80,000 prisonniers de guerre envoyés en Prusse