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rement aggravé sa position. Les gouvernements dont la neutralité a été, à l’exception de l’Angleterre, sympathique à la France jusqu’à ce jour, en voyant la révolution qui s’y est introduite, pourraient bien changer leur neutralité en hostilité et renouveler la Sainte-Alliance de 1815, afin d’étouffer à sa naissance le mouvement révolutionnaire qui menace tous les trônes de l’Europe. Donc, si d’ici à trois ou quatre jours, la république française reste sans écho dans les pays qui lui répondirent si promptement en 1848, la position de notre mère patrie sera très grave.

Cette révolution s’est faite, du reste, sans brûler une cartouche. Il n’y a eu ni combat, ni vol, ni aucun des accompagnements obligés de ces algarades populaires.

J’ai parcouru tous les boulevards, dimanche soir. Tout le monde criait : Vive la république ! La morne tristesse de la veille avait fait place à une joie que je ne comprends pas, car ce n’est pas avec un mot mis à la place d’un autre que l’on trouvera des armées et des munitions.

Hier, le côté ridicule a commencé à paraître. On plante des arbres de la liberté, on entonne le chant du Départ et le chant des Girondins. On abat les aigles partout où on les rencontre. Tout cela est puéril.

Tout est tranquille. Les vendeurs de décorations vous appellent citoyens. On passe en leur riant au nez. Quelques-uns vous traitent d’aristos. Les acclamations bruyantes des boulevards ont peu d’écho dans les quartiers sérieux, où la population semble aussi