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Je ne vous parle pas des événements de la semaine : les journaux vous renseignent mieux que je ne saurais le faire. Je préfère vous dire quelques mots de notre situation à Paris.

Vendredi, une communication ministérielle nous a appris que le prince royal de Prusse marchait sur Paris. Dans la capitale, cette nouvelle n’a produit aucune espèce de panique, mais à dix lieues à la ronde, une terreur bien excusable après ce qui se passe en Alsace et dans la Lorraine, s’est emparée de tous les paysans. Samedi et dimanche, on ne rencontrait que de grandes charrettes à foin remplies de meubles de ménage, de lits, etc., avec la femme et les enfants couronnant le tout, tandis que le mari conduisait le cheval par la bride. Sur le boulevard du prince Eugène, je ne saurais compter le nombre de ces pauvres familles qui ont passé devant moi depuis cinq heures jusqu’à six heures du soir, avant-hier. Depuis hier, le mouvement s’est ralenti. D’ailleurs les dépêches d’hier soir nous apprennent que le prince royal se dirige maintenant vers le nord, afin de porter secours au prince Frédéric-Charles, menacé par la jonction de Bazaine et de MacMahon. D’ici à deux ou trois jours, nous aurons certainement une bataille formidable, dans laquelle sept cent mille hommes au moins seront engagés.

En attendant, Paris est vivant comme dans ses plus beaux jours. Il a plus que la vie ordinaire, il a la fièvre, non de la peur, mais du combat. Les préparatifs