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« Dans ce concert étrange où les chants de la vie
« Te semblaient des cris de bonheur,
« Tu n’entendais jamais de ma voix affaiblie
« Vibrer le reproche vengeur.

« Ces cris des passions, d’amour ou de vengeance,
« Sont étouffés sous ton linceul ;
« Ma voix s’élève ici dans toute sa puissance,
« Car aujourd’hui je parle seul.

« L’amour, ce mot sonore aussi trompeur qu’un songe,
« La gloire, ce beau rêve d’or,
« L’amitié des humains, cet impudent mensonge,
« La fortune, ce vain trésor ;

« Toutes ces voix d’en haut où ta pauvre existence
« Cherchait une fausse clarté,
« Oui, ces voix garderont pour toujours le silence
« Devant ma fauve majesté.

« Aux rêves qui chantaient dans ton âme ravie
« Dis donc un éternel adieu ;
« Car la mort a donné ces deux parts de ta vie,
« Ton corps au Ver, ton âme à Dieu.

« Et ton corps, je le prends ; aujourd’hui c’est ma fête,
« Le jour de rétribution…
« Je le reçois enfin ce prix de ma conquête,
« J’en viens prendre possession ! »