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De ce beau Canada, qui de votre tendresse
Vit les premiers aveux et la première ivresse,
Vous avez conservé le souvenir charmant,
Et vous voyez souvent sa douce image en rêve…
En lui disant adieu, de sa puissante sève
Vous avez emporté quelque chose en partant.

Quand de vos premiers jours plus d’un ami fidèle,
Que l’ange de la mort a touché de son aile,
S’en est allé dormir le sommeil éternel,
Vous demeurez debout, pareils à ces grands chênes,
Ces magnifiques rois de nos forêts lointaines,
Qui semblent à nos yeux les colonnes du ciel.

Comme ils sont bien remplis ces nobles douze lustres !
Le travail incessant, les amitiés illustres
Qui, dès vos premiers pas, vous ont tendu les mains ;
Les voyages nombreux aux bords du nouveau monde,
Où vous alliez porter la semence féconde
De cet esprit français, le charmeur des humains ;

Tant de bienfaits discrets semés sur votre trace ;
Ces enfants bien-aimés, l’honneur de votre race,
De porter votre nom à juste titre fiers ;
Et vos écrits où brille une attique élégance :
Pour chanter dignement une telle existence,
Il faudrait un poème, et non pas quelques vers.

Ainsi, poursuivant votre course,
Sans redouter les noirs autans,
Vous irez boire à cette source
Où buvaient nos premiers parents.