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Dormez sous cette terre, où l’amitié fidèle,
Cet odorant parfum que notre âme recèle,
Gravera votre nom dans notre souvenir.
Dormez sous cette terre où la mort froide et pâle
A brisé de sa main, dans une heure fatale,
Vos humbles projets d’avenir.

Sous le ciel radieux de la vieille patrie,
Ah ! vous aviez rêvé la vieillesse embellie
Par tous les souvenirs de votre doux printemps.
Vous espériez dormir aux bords de la Durance
Votre dernier sommeil, et donner à la France
Ce qui restait de vos vieux ans.

Comme le voyageur dont la force succombe,
Avant la fin du jour vous trouvez votre tombe ;
Dans la coupe de vie, aux bords couverts de fiel,
Où vous vous abreuviez sans murmure et sans plainte,
La mort vous a laissé boire toute l’absinthe,
Sans vous laisser goûter au miel.

On eût dit, en voyant, plein de sombres pensées,
Votre front refléter bien des douleurs passées,
Que jamais le bonheur ne vous avait souri !
Une douleur secrète avait brisé votre âme ;
Nulle main n’a donc pu verser un pur dictame
Sur votre cœur endolori ?

Aviez-vous éprouvé la malice des hommes ?
Ou plutôt trouviez-vous qu’ici-bas nous ne sommes