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poésies.

Quand Adam, en péchant, se fut fermé les cieux,
Dieu, pour le consoler, Dieu lui donna le rêve,
Rayon cent fois plus pur que l’astre qui se lève
Au sein des grands horizons bleus.

Et, quand venait le soir, à sa jeune famille,
Qui se groupait autour de l’âtre qui pétille,
Souvent il racontait ses jours aventureux.
Plein de ses souvenirs, d’une voix forte encore,
Des vieux chants provençaux qui berçaient son aurore
Il répétait les sons joyeux.

Un jour pourtant la mort, qu’au sein de la mêlée
Il avait quelquefois vainement appelée,
D’elle-même s’en vint s’asseoir à son chevet ;
Soldat toujours vaillant, chrétien toujours fidèle,
Il sut voir, sans pâlir, sa main froide et cruelle
Lui montrer le tombeau muet.

À cet instant suprême où déjà l’agonie
Des ombres de la mort enveloppe la vie,
De bonheur dans ses yeux on vit naître un rayon.
Près du soldat mourant, plus douce qu’une lyre,
Une voix murmurait le grand nom de l’Empire
Et celui de Napoléon.

Porté dans son tombeau par ses compagnons d’armes,
Il dort, le vieux soldat, et le canon d’alarmes
Ne réveillera plus son courage endormi.
Il dort, sans avoir eu l’héroïque médaille
Qu’il mérita cent fois sur le champ de bataille,
Devant le feu de l’ennemi.