Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.

150
poésies.

Avec ses morts sans nombre et ses fleuves de sang !
Vous passiez devant lui, toujours aussi vivaces
Qu’aux jours où, de ses chefs suivant les nobles traces,
Il combattait au premier rang.

Suchet, Ney, qui deux fois lui conserva la vie,
Victor et Masséna, le duc de Dalmatie,
Lui jetaient, en passant, un glorieux rayon ;
Son œil suivait toujours, dans sa course rapide,
Brillant comme un soleil dans ce groupe splendide,
L’image de Napoléon.

Il vous voyait encore, ô longs jours de souffrance,
Où l’Espagnol, sans cesse altéré de vengeance,
Les frappait isolés, sans appui, sans secours.
Quelquefois la victoire, au fort de la bataille,
Fuyait loin de leurs rangs dans des flots de mitraille,
Mais la gloire y restait toujours.

De la captivité les angoisses sans nombre,
Chaînes brisant le corps, et cachot toujours sombre,
Avec ses compagnons, la douleur et la faim,
Où jamais le sommeil ne fermait sa paupière,
Où le ciel refusait souvent à sa prière
Une onde pure, un peu de pain ;

Épouvantables nuits dans la forêt passées,
Où des hordes sans frein, sur sa trace empressées,
Le poursuivaient toujours de leur glaive vengeur ;
De tous ces mauvais jours le souvenir terrible,
Dont son cœur conservait la trace indestructible,
Le glaçait encore d’horreur.