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poésies.

Donjon du roi René s’élançant vers le ciel,
Ô mistral soulevant les ondes fugitives,
À l’heure où, chaque soir, s’élève sur les rives
Le chœur de l’hymne universel ;

Ô champs toujours couverts de fruits et de verdure,
Étalant au soleil votre fraîche parure,
Forêt où s’élançait la meute des chasseurs ;
En vous voyant revivre en ce rêve sublime,
Son âme s’emplissait de cette joie intime
Et ses yeux se mouillaient de pleurs.

Sur ce riant tableau bientôt passait une ombre ;
Il voyait s’avancer ce géant à l’œil sombre,
La Terreur, conduisant ses hideux bataillons ;
Les fleuves débordaient du sang de ses victimes,
Elle portait la mort sur les plus hautes cimes,
Et dans les plus humbles vallons.

Puis, dans le temple saint, tout un peuple en délire
Amenait en triomphe, aux accents de la lyre
Se joignant sous la voûte aux accords du clairon,
Et plaçait sur l’autel, que son aspect profane,
Une femme flétrie, impure courtisane ;
C’était la déesse Raison !

Jetant sur ces horreurs le manteau de sa gloire,
Bonaparte venait, conduit par la victoire,
Écrire avec son glaive un drame de géant ;
Son front, illuminé de ces rayons splendides
Qu’on nomme Marengo, Lodi, les Pyramides,
Brillait comme un phare éclatant.