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poésies.


Pendant que ses amis, ranimés par sa voix,
Pour ce jour préparaient leurs armes en silence
Et retrouvaient encor la valeur d’autrefois
Dans leurs cœurs altérés de gloire et de vengeance,
Disant à son foyer un éternel adieu,
Le soldat disparut emportant sa bannière ;
Et vers lui, revenant au sortir du saint lieu,
Ils frappèrent en vain au seuil de sa chaumière.




Sur les champs refroidis jetant son manteau blanc,
Décembre était venu. Voyageur solitaire,
Un homme s’avançait d’un pas faible et tremblant
Aux bords du lac Champlain. Sur sa figure austère
Une immense douleur avait posé sa main.
Gravissant lentement la route qui s’incline,
De Carillon bientôt il prenait le chemin,
Puis enfin s’arrêtait sur la haute colline.

Là, dans le sol glacé fixant un étendard,
Il déroulait au vent les couleurs de la France ;
Planant sur l’horizon, son triste et long regard
Semblait trouver des lieux chéris de son enfance.
Sombre et silencieux il pleura bien longtemps,
Comme on pleure au tombeau d’une mère adorée,
Puis, à l’écho sonore envoyant ses accents,
Sa voix jeta le cri de son âme éplorée :