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poésies.

Dans un effort suprême en vain nos vieux soldats
Cueillaient sous nos remparts des lauriers inutiles ;
Car un roi sans honneur avait livré leurs bras,
Sans donner un regret à leurs plaintes stériles.

De nos bords s’élevaient de longs gémissements,
Comme ceux d’un enfant qu’on arrache à sa mère ;
Et le peuple attendait plein de frémissements,
En implorant le ciel dans sa douleur amère,
Le jour où pour la France et son nom triomphant
Il donnerait encore et son sang et sa vie ;
Car, privé des rayons de ce soleil ardent,
Il était exilé dans sa propre patrie.

Comme au doux souvenir de la sainte Sion
Israël en exil avait brisé sa lyre,
Et, du maître étranger souffrant l’oppression,
Jetait au ciel le cri d’un impuissant délire,
Tous nos fiers paysans de leurs joyeuses voix
N’éveillaient plus l’écho qui dormait sur nos rives ;
Regrettant et pleurant les beaux jours d’autrefois,
Leurs chants ne trouvaient plus que des notes plaintives.

L’intrépide guerrier que l’on vit des lis d’or
Porter à Carillon l’éclatante bannière,
Vivait au milieu d’eux. Il conservait encor
Ce fier drapeau qu’aux jours de la lutte dernière,
On voyait dans sa main briller au premier rang.
Ce glorieux témoin de ses nombreux faits d’armes,
Qu’il avait tant de fois arrosé de son sang,
Il venait chaque soir l’arroser de ses larmes.