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poésies.


C’est le jour où les morts, abandonnant leurs tombes,
Comme on voit s’envoler de joyeuses colombes,
S’échappent un instant de leurs froides prisons ;
En nous apparaissant, ils n’ont rien qui repousse ;
Leur aspect est rêveur et leur figure est douce,
Et leur œil fixe et creux n’a pas de trahisons.

Quand ils viennent ainsi, quand leur regard contemple
La foule qui pour eux implore dans le temple
La clémence du ciel, un éclair de bonheur,
Pareil au pur rayon qui brille sur l’opale,
Vient errer un instant sur leur front calme et pâle
Et dans leur cœur glacé verse un peu de chaleur.

Tous les élus du ciel, toutes les âmes saintes,
Qui portent leur fardeau sans murmure et sans plaintes
Et marchent tout le jour sous le regard de Dieu,
Dorment toute la nuit sous la garde des anges,
Sans que leur œil troublé de visions étranges
Aperçoive en rêvant des abîmes de feu ;

Tous ceux dont le cœur pur n’écoute sur la terre
Que les échos du ciel, qui rendent moins amère
La douloureuse voie où l’homme doit marcher,
Et, des biens d’ici-bas reconnaissant le vide,
Déroulent leur vertu comme un tapis splendide,
Et marchent sur le mal sans jamais le toucher ;

Quand les hôtes plaintifs de la cité dolente,
Qu’en un rêve sublime entrevit le vieux Dante,