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pour la langue internationale

de diriger et de corriger la nature, de la perfectionner au besoin et de la discipliner. Dans toutes les institutions et dans toutes les productions humaines, le progrès consiste à remplacer l’action spontanée par l’action réfléchie, l’instinct par la raison. Il ne faut donc pas s’en laisser imposer par le respect superstitieux de la nature, de l’évolution ou de la vie : ce n’est au fond qu’un sophisme paresseux. C’est comme si l’on avait compté sur les forces naturelles pour percer l’isthme de Suez ou le tunnel du Saint-Gothard.

L’entente internationale.

On objecte enfin l’impossibilité de faire adopter une langue conventionnelle par une entente internationale. Ici encore nous répondrons par des faits. Outre les systèmes de signes déjà cités (comme le code international de la marine), la numération décimale, la division du cercle et celle du temps, le calendrier grégorien, le système métrique, le système d’unités C. G. S., la nomenclature et la notation chimiques, etc., sont autant d’institutions internationales que leur utilité ou leur commodité ont fait adopter par toutes ou presque toutes les nations. Si quelques-unes résultent d’un accord spontané et progressif entre les intéressés, les autres ont été décrétées à jour fixe et promulguées par une autorité, par un corps savant ou par un Congrès. Le besoin d’uniformité entre les nations est si grand, qu’on a tenu à Paris, en 1900, un Congrès pour l’unification du numérotage des fils. Serait-il donc impossible de s’entendre pour l’unification du langage scientifique et commercial, qui doit résumer et compléter toutes ces conventions spéciales et partielles ?

La lutte pour la vie.

Reste à savoir si l’entente, possible et désirable, naîtra d’un accord spontané ou d’une décision d’autorité. Sans doute, elle peut s’établir à la longue par la propagande des divers projets de L. I. et par leur concurrence naturelle, qui ferait triompher à la fin le meilleur, c’est-à-dire le plus commode et le plus facile. Mais cette lutte pour la vie devrait durer longtemps avant d’aboutir, et peut-être même n’aboutirait-elle pas. En effet, les divers projets de L. I. ne peuvent pas entrer