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sommes) n’ont qu’un moyen de les sauver, en présence de la concurrence toujours croissante des études utilitaires et surtout des langues vivantes : c’est de lutter pour l’adoption de la L. I., qui dispenserait d’apprendre plusieurs langue étrangères, et dont l’étude, bien moins longue que celle d’aucune langue vivante, laisserait presque tout le temps libre, soit pour l’étude approfondie des langues et des littératures classiques, soit pour celle des sciences et des connaissances pratiques. Ce serait aussi le meilleur moyen de remédier à la surcharge des programmes de l’enseignement secondaire dans tous les pays, et au surmenage intellectuel qui en résulte, ou tout au moins à la polymathie superficielle et stérile que les pédagogues déplorent avec raison[1].

Tout ce qu’on peut dire en faveur du latin et du grec, c’est que, ces deux langues ayant fourni les racines de la plupart des mots scientifiques, il convient que la L. I. leur emprunte son vocabulaire scientifique, d’autant qu’un tel vocabulaire est déjà en grande partie international. Mais il faut se garder de tout exclusivisme, et ne pas vouloir emprunter toutes les racines aux seules langues mortes : un tel vocabulaire ne serait pas assez international (pour ceux qui ne savent que leur langue maternelle) ni vraiment neutre ; car il favoriserait trop les peuples de langue romane, et risquerait de n’être pas accepté par les peuples germaniques et slaves. Nous verrons plus loin dans quelle mesure et suivant quel principe les racines gréco-latines pourront et devront figurer dans le vocabulaire de la L. I. Mais il y a intérêt à ce que celui-ci, surtout pour les mots usuels, se rapproche davantage des langues nationales ; or cela est possible, comme on le verra plus loin.

Les langues philosophiques.

Si l’on écarte les langues mortes, on a encore le choix entre deux genres de solutions : les langues philosophiques et les langues artificielles. Les langues philosophiques prétendent être des incarnations de la logique et des instruments de la pensée. Le nom de chaque chose exprimerait symboliquement sa nature et traduirait sa définition, de

  1. Ernest Naville, La Langue internationale, mémoire présenté à l’Académie des Sciences morales et politiques (janvier 1899).