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qui s’attendrit. — Y a aussi le jour où je t’ai avalé sous le nez un petit flacon de belladonne ? C’est du coup que t’en as fait une tête ! Cent ans, je vivrais cent ans : toujours je te verrais, mon chéri, vert d’émotion, avec des pauvres grosses pattes qui tremblaient comme du pied de veau et des yeux comme des oeufs pas cuits… C’était de l’eau filtrée, d’ailleurs.


Landhouille. — Je m’en étais toujours douté !


Louison. — Et la fois où, vexée d’avoir dit je ne sais plus quelle sottise, je me suis couchée, pour me venger, sur la place de l’Opéra ? T’as encore eu assez d’agrément, ce jour-là.


Landhouille. — Assez ; oui. Tu es bien aimable. Il pleuvait !… Une bénédiction. Avant que j’eusse le temps de comprendre à quelle fête tu m’allais convier, tu t’étendis sur le macadam ruisselant d’eau, et tu demeuras là, Louison, immobile, les bras au corps, avec un visage doucement triste de pauvre victime résignée.


Louison, enchantée d’elle. — Je suis une bonne fille ! Je suis une bonne fille !


Landhouille. — Je te crois, que tu es une bonne fille ! Cependant du haut de leurs sièges, les cochers de "Bastille-Madeleine", immobilisés à la file, criaient : "Eh bien, quoi ? On ne passe plus ? "


Louison. — La foule, accourue de toute part, faisait cercle autour de nous.


Landhouille. — Et tandis que je suppliais : "Louison, au nom du ciel, lève-toi ! Tu nous couvres de ridicule."


Louison. —… des hommes graves disaient : "C’est ignoble ! Est-il permis de pousser une femme à de pareilles extrémités ? "


Landhouille. — Je fus traité de lâche,


Louison. — de canaille,


Landhouille. — de prop’ à rien,


Louison. — de saligaud ;


Landhouille. — battu comme plâtre par des personnes qui avaient le cœur bien placé,


Louison. —… et finalement emmené