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de la douzième et y demeura figé de surprise.

Une idylle s’offrait à ses yeux.

Dans le bain de soleil que déversait sur eux la lucarne soulevée du réduit, Médare, le petit auxiliaire du bureau des fondations, et Ida, la fille du concierge, s’aimaient sur un tas de papiers. Oui, ils s’aimaient, mais gentiment, étant tous les deux des bébés. Assis côte à côte par terre, montrant, plus bas que leurs nuques blondes, le bras dont chacun d’eux emprisonnait la taille de l’autre, ils discouraient de leur amour, faisaient des projets d’avenir.

— Si tu veux, expliquait Médare, nous nous enfuirons en Bretagne ; je connais, près de Plougastel, un grand bois qui est plein d’oiseaux. Veux-tu y venir avec moi ?

Et la petite, les yeux grands ouverts sur la vision évoquée d’une forêt emplie de nids et de chansons, répondait :

— Oui !… Oh oui !… Je veux bien.

Ils étaient là comme chez eux ; les paperasses d’un antique dossier dont le jeune homme, d’un coup de son canif, avait fait sauter la courroie, leur mettaient sous le derrière l’épaisseur d’un lit de mousse.