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Madame Boulingrin.

Vous. Oh ! inutile de faire les grands bras. Avant — vous entendez ? — avant qu’il soit l’âge d’un petit cochon, il y aura, à cette place, un cadavre !!! Puisse le sang qui aura coulé par votre faute ne pas retomber sur votre tête.

Des Rillettes, les poings aux tempes.

Mais c’est à devenir fou ! Mais qu’est-ce que je vous ai fait ? Mais ça devient odieux, à la fin !

Madame Boulingrin.

Ah ! c’est qu’il ne faut pas, non plus, tirer trop fort sur la ficelle, ou alors tout casse, tant pis ! Voilà dix ans que j’y mets de la bonne volonté ; ça ne peut pas durer toute la vie. Vous comprenez que j’en ai assez.

Des Rillettes.

Sans doute ; mais… ça m’est égal.

Madame Boulingrin, non sans quelque ironie.

C’est tout naturel, parbleu ! Qu’est-ce que ça peut vous faire à vous ? Ce n’est pas vous qui tenez la queue de la poêle et qui payez les pots cassés. Alors vous tranchez la question avec le désintéressement d’un bon gros diable de pourceau confit dans son égoïsme. Trop commode ! Il est probable que vous changeriez de langage si vous étiez, pieds et poings liés, livré à la fureur d’une brute sanguinaire qui vous traiterait en esclave et vous battrait comme un tapis. Car il me bat. Vous ne le croyez pas ?

Des Rillettes, battant prudemment en retraite.

Si ! si ! si !