Page:Courteault - Mme Desbordes-Valmore à Bordeaux, 1923.pdf/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

copie, de la main de Marceline, que reçut Gergerès ; une autre copie est conservée dans les manuscrits de Géraud.

Il est enfin un Bordelais illustre à qui Mme Desbordes-Valmore a témoigné une ardente sympathie. C’est Peyronnet. Marceline, on le sait, n’eut jamais, en politique, d’autre opinion que celle de son cœur et de sa pitié. Elle avait plaint Béranger captif, acclamé le général Foy, le grand orateur libéral. Elle devait pleurer sur les ouvriers de Lyon, parcourant les rues en criant leur faim, drapeau noir en tête et tombant sous les balles des soldats, et plus tard, en 1848, chanter la Révolution et le citoyen Raspail, « martyr humanitaire ». En 1833, elle s’attendrissait sur la destinée du comte de Peyronnet, ministre de Charles X, enfermé au fort de Ham, où il devait rester six ans. Peyronnet était l’auteur de la loi sur la presse qui avait valu à Béranger la prison. Mais Peyronnet était poète et ami de Gergerès. Celui-ci avait fait, en août-septembre 1833, le voyage de Bordeaux à Paris et à Ham pour voir le prisonnier. Il en profita pour rendre visite à Marceline. Il se présenta chez elle, rue de Lancry, no  12 ; elle était sortie. Il n’était que deux heures ; elle devait rentrer à quatre. Il revint à cinq heures. « Cette fois, écrit-il dans son journal, je l’ai rencontrée avec son mari et ses enfants ; nous avons longuement causé de leur situation bien pénible, de leur incertitude sur l’avenir, de Bordeaux, de nos amis communs et de vingt autres sujets intéressants. À six heures un quart, je les ai quittés pour aller dîner à la hâte. » Gergerès, grand amateur de théâtre, passa sa soirée à l’Opéra. À la porte, il acheta « deux portraits lithographiés de l’acteur Bouffé et de Mme Desbordes-Valmore, qu’on a étrangement défigurée ». Quelques jours après, il la revit et s’invita à dîner chez elle : « J’ai trouvé, écrit-il, ces excellents amis dans une mansarde avec leurs deux enfants, et j’ai paru leur faire plaisir en m’asseyant à leur table. Nous avons beaucoup causé de Bordeaux, de la mort de M. Valmore père, de la fin plus triste encore de Mlle Delprat…[1], du projet de faire un vaudeville pour le Gymnase sur un trait charmant de la vie du duc de Richelieu, etc. J’ai promis à la bonne Marceline de lui envoyer du café[2], et, en vérité, je le dois bien, car elle m’a comblé de bontés et m’a fait don de son dernier ouvrage, intitulé Les Pleurs, dont j’ai

  1. Marceline y faisait allusion dans une lettre à Gergerès du 11 février 1829. (Lettres inédites, p. 31).
  2. C’est l’envoi dont elle parle dans sa lettre du 4 décembre 1833.