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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

Mais Gergerès était collectionneur. Il demandait à Marceline des autographes d’hommes célèbres, choisis parmi les innombrables lettres qu’elle recevait. Toujours généreuse, elle lui en expédiait un paquet, en novembre 1837 et lui écrivait, le 11 avril 1838 :

Je vous fais avec une vraie joie le sacrifice des deux petits papiers auxquels je tenais le plus et de ce que j’ai aimé le mieux dans mon enfance : Grétry et Mlle Mars.

Et elle y joignait, par surcroît, un autographe de Sophie Gay et un autre de son intime amie, Pauline Duchambge, la musicienne charmante qui mettait ses romances en musique[1].

Marceline se plaisait aussi à donner à Gergerès des nouvelles des personnes qu’elle avait connues à Bordeaux. En août 1827, elle reçut à Lyon la visite de l’impresario de Mme Montano, qui lui dit qu’elle était à Grenoble, à l’hôtel des Trois Rois et dans la misère, « en gage ». Cela lui navra le cœur et lui donna une grosse migraine[2]. Elle la suivit dans sa carrière et fut heureuse d’apprendre à Gergerès, le 6 février 1828, que « cette sirène » lui avait écrit de Naples, où elle avait beaucoup de succès[3]. Le 3 août suivant, elle lui annonce que la cantatrice est à Lyon :

Voilà Montano tout près de moi. Qu’avez-vous de mieux à faire que de bien la recevoir et moi par-dessus le marché[4] ?

Malheureusement, ce séjour à Lyon a été « tout de travers ».

Mille entraves l’ont empêchée de s’y faire entendre. Je ne sais, mais je crains pour elle un sort déplorable. Elle n’a plus de santé, pas d’engagements, pas d’appui. Pauvre rossignol ! Je l’ai vue triste, et je sentais qu’elle en avait toutes les raisons du monde. Aussi je l’étais moi-même[5].

Gergerès, qui était un dilettante, s’enquit du sort de Mme Montano : « Je ne sais où elle est passée, lui répond Marceline, le 11 février 1829. Inconcevable fille[6] ! »

  1. Pougin, p. 240.
  2. Lettres inédites, p. 26.
  3. Ibid., p. 30.
  4. Ibid., p. 31.
  5. Ibid., p. 32.
  6. Ibid., p. 34.