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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

se plaignait que Gergerès n’eût pas fait imprimer dans La Gironde un second envoi qu’elle lui avait adressé. Il s’agissait de la pièce intitulée Dans la rue, où elle avait peint avec une indignation farouche une sanglante émeute d’ouvriers lyonnais[1]. Le royaliste Gergerès avait dû la trouver un peu trop « socialiste ». Il continuait, d’ailleurs, à signaler ses productions : le 28 juin 1839, elle le remerciait d’un article qu’il avait publié sur son roman Violette[2]. En décembre 1842, elle lui envoyait son recueil de poésies Bouquets et prières, en s’excusant de ne pas l’avoir dédicacé, faute d’argent pour affranchir le volume. « Faites-en vendre deux à Bordeaux », ajoutait-elle, et encore :

Mettez-les sur votre fenêtre, aux rayons du beau soleil de Bordeaux, parmi les fleurs de vos sœurs et leurs prières aussi, plus dignes de monter[3].

Gergerès rendit compte du livre, et elle l’en remercia avec son effusion ordinaire[4]. En 1847, Gergerès songea à se faire éditer à Paris. Il s’agit sans doute de son recueil de poésies édifiantes, Le culte de Marie, publié en 1849. Ce qui est certain, c’est qu’il envoya son manuscrit à Marceline, qu’elle le lut et relut « ligne par ligne, avec l’attention du cœur », qu’elle fut touchée « de ce style simple, solennel et vrai qui est la grâce de la croyance » et qu’elle ajouta, par-ci par-là, un mot, non « pour ajouter à l’esprit du livre, mais pour le saluer, car, disait-elle, il me soulageait de mes larmes[5] ». Gergerès ne lui envoyait pas seulement des vers. Il lui expédiait, en 1833, du café, qu’elle avait reçu avec enthousiasme :

Me voici devant vous : comment vous portez-vous ? Ah ! qu’il est doux et utile de respirer et de dire à quelqu’un « merci » quand on étouffe de ce besoin. Pourtant, l’heure qui le renouvelle tous les jours est une des plus douces de ces heures d’agitation : celle où je prends le café qui réveille un peu de gaîté et beaucoup de reconnaissance en moi, mon bon Gergerès, qui ne peux vous le dire que si tard et de si loin ! Je l’ai reçu enfin, ce suave don de votre amitié. Je le bois, je le bois seule, avare et fière d’avoir quelque chose en toute propriété. Je vous rends grâce, une bonne fois, de cette possession unique :

Comme une erreur plus tendre, elle a sa volupté[6] !
  1. Pougin, p. 204.
  2. Lettres inédites, p. 69.
  3. Ibid., p. 75-76.
  4. Ibid., p. 77 (24 janvier 1843).
  5. Ibid., p. 85.
  6. Ibid., p. 50.