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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

La mère s’occupait d’eux avec une sollicitude passionnée et inquiète.

De ce peu que je sais je vous instruis moi-même ;
Je vous aide à m’aimer autant que je vous aime ;
Je vous aide à chercher les mots les plus touchans,
Pour charmer votre père attendri de vos chants.
Je vous dis : « Aimez Dieu, car lui seul nous protège,
Lui seul vous aime, enfans, comme si les grandeurs
À vos fronts ingénus attachaient leurs splendeurs :
Il prête sa lumière à notre humble cortège ;
Et pour nous soutenir, sur les bords du chemin,
Devant nous il étend son invisible main[1].

Elle les menait au Jardin public, « vert comme porée, grand, superbe et tranquille » ; elle leur apprenait, sous les grands arbres, les jeux de son enfance, ceux auxquels elle avait elle-même joué à Douai, dans la maison de la rue Notre-Dame et dans le cimetière voisin[2]. C’est pour ces chers petits qu’elle rêvait une fortune meilleure et une destinée plus stable. On se plaît à penser que c’est à Bordeaux qu’elle commença d’écrire pour ses enfants, qu’elle composa pour Hippolyte L’Écolier, Le Petit ambitieux et Le Petit peureux, imprimés dans le recueil de 1830[3] et pour la petite Inès, L’oreiller d’un enfant, qu’elle donna en 1831 à la Revue provinciale de Lyon.

Marceline était naturellement en rapports avec les camarades de son mari. Son beau-père, dans une lettre, la charge de ses amitiés pour le comédien Constant[4]. Elle a pu assister, au Grand-Théâtre, au concert qu’y donna, le 5 janvier 1826, Liszt, pianiste prodige de douze ans. Elle dut être aussi présente à celui du 19 juin, où Mme Montano reçut du public bordelais un accueil enthousiaste[5]. Elle se lia avec la cantatrice, qui devint une de ses amies. Elle connut aussi une autre actrice qui avait alors un grand succès, Mme Herdlizca. À Paris, dans sa jeunesse, elle avait eu l’occasion de voir un artiste bordelais illustre, le chanteur Garat. Il s’était offert à lui donner des leçons au moment où elle entra à l’Opéra-Comique. À Bordeaux, elle se souvint de lui et composa en son honneur deux romances : l’une,

  1. À mes Enfans, pièce écrite en avril 1827, au moment de quitter Bordeaux
    (Poésies, éd. Boulland, t. II, p. 55).
  2. Pougin, p. 150. Cf. L. Descaves, op. cit., p. 10-17.
  3. T. II, p. 285 ; t. III, p. 235 et 251.
  4. Boyer d’Agen, op. cit. p. 224.
  5. Mémorial bordelais, 21 juin 1825.