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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

tation, Valmore avait terminé son engagement de trois ans au Grand-Théâtre. Prat, qui en avait pris la direction en avril 1824, l’avait rengagé pour un an[1]. Il avait joué les pièces du répertoire tragique et comique alors à la mode, L’École des vieillards de Casimir Delavigne, Jeanne d’Arc de Soumet, Sylla de de Jouy, Le Tasse, drame historique d’Alexandre Duval, Pauline brusque et bonne de Dumersan, L’Agiotage, de Picard et Empis, L’homme habile de d’Épagny, et aussi Sémiramis et Alzire de Voltaire, Eugénie de Beaumarchais, Alhalie, avec les chœurs de Gossec, Tartufe. La critique continuait de lui être sévère. Géraud et Arago signalaient, toujours avec quelques indulgentes réserves, ses défauts habituels. Géraud constatait qu’il avait eu de succès dans l’École des vieillards[2], mais s’étonnait de ses « mouvements onduleux » dans le rôle de Joad. Il avouait qu’il avait eu « de beaux mouvements dans Alzire, mais demandait pourquoi il éprouvait le besoin de s’affubler d’un grand manteau à l’espagnole. Le rôle « gigantesque » de Léonidas — une tragédie d’actualité en 1826 — il l’avait joué en matamore, disait Arago, que son philhellénisme rendait pourtant indulgent pour la pièce de Pichat. Et si le même Arago louait Valmore sans réserves de son interprétation de Tartufe, il faut sans doute l’expliquer par le plaisir qu’éprouva le journaliste libéral à voir sur la scène, en 1826, le chef-d’œuvre de Molière. Quant au Tasse, le drame d’Alexandre Duval tomba lourdement, le 19 mars 1827, par la faute de Valmore. Il fallait à Marceline toute sa tendresse aveugle pour se faire illusion sur son mari.

Tandis qu’il plastronnait sur les planches, elle s’absorbait dans les soins du ménage et de ses enfants. L’aîné, Hippolyte, avait trois ans à son arrivée à Bordeaux ; Ondine était un bébé de deux ans. Un troisième, une fille, Inès, naquit dans notre ville le 29 novembre 1825[3].

  1. Mémorial bordelais, 16 avril 1826.
  2. La pièce de C. Delavigne fut jouée trente fois à Bordeaux.
  3. Voici son acte de naissance : « Le vingt-neuf novembre mil huit cent vingt-cinq, à dix heures du matin, est comparu le sieur François-Prosper Lanchantin, dit Valmore, âgé de trente-deux ans, artiste dramatique, demeurant rue Montesquieu, no  21, lequel nous a présenté une enfant du sexe féminin, née ce matin, à sept heures, de lui déclarant et de dame Marceline-Félicité-Josèphe Desbordes, âgée de trente-neuf ans, son épouse, et auquel il donne les prénoms de Blanche Inès. Fait en présence des sieurs Jean-Angel-Ignace Ferrand, âgé de soixante-dix ans, propriétaire, même maison, et Jean Serre, âgé de quarante-neuf ans, marchand, fossés de l’Intendance, no  36. Lecture faite du présent, le père et les témoins ont signé avec nous,
    Valmore, père, Ferrand, J. Serre.
    L’adjoint du maire : B. de Baritault. »

    (Arch. de l’État-civil de Bordeaux, 1825. N. 1e section, no  1234).