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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

notée. Mais on s’étonne à Paris que vous nous traitiez toutes en infidèles. Et moi je suis sûre que vous ne parlez que des dames d’autrefois.

Si madame Géraud voulait me rendre une peu gaie, elle me permettrait de l’embrasser, mais non pas en cérémonie ; tendrement, sincèrement comme elle en inspire l’envie. J’aurais bien envie d’écrire plus long-temps, mais votre Inès ne veut pas.

Je suis, Monsieur, votre affectionnée.

Mme Desb. Valmore[1].


Ces relations affectueuses avec les Géraud ont été une des joies de Marceline durant son séjour à Bordeaux. Elle fréquentait à Belle-Allée, l’agréable propriété qu’ils possédaient à La Bastide. Elle a souvent franchi le pont de pierre, alors tout neuf, pour y conduire ses enfants. Ils y jouaient avec Élodie, la fille de Géraud, sous les beaux ombrages dont leur mère gardait un délicieux souvenir.

Marceline connut aussi intimement un journaliste qui a laissé un nom à Bordeaux dans le mouvement littéraire et politique de la Restauration, Jacques Arago. Fils de l’illustre astronome et physicien François Arago, frère d’Emmanuel, qui joua un rôle dans la Révolution de 1848, né en 1790 à Estagel (Pyrénées-Orientales), après avoir couru le monde, il s’était fixé à Bordeaux en 1822 et y dirigea le Kaléidoscope. Il fit de cette revue mondaine une feuille d’opposition libérale, ce qui lui valut par deux fois d’être condamné à la prison. Mais il y réserva une assez large place aux lettres et à la poésie. Mme Desbordes-Valmore se prit pour lui d’amitié[2]. Elle l’appelle familièrement Jacques dans sa correspondance. Arago avait pour elle une grande admiration. Il la rangeait parmi « les poètes de Bordeaux », à côté de Géraud et de Lorrando. Dans un article publié sous ce titre, il parlait de « cette douce et séduisante poésie qui a placé Mme Desbordes-Valmore au premier rang de nos poètes élégiaques[3] ». Il lui adressait des vers, à la suite d’une maladie, sur sa convalescence[4]. À propos des poésies de Mme Amable Tastu, il dé-

  1. Mss. d’Edmond Géraud, lettres originales, p. 207. — J’exprime ma vive et respectueuse gratitude à Mme Pierre Meller, qui a bien voulu me communiquer et me laisser publier ces trois lettres, dont Hippolyte Valmore, dans une lettre du 14 décembre 1869, avait demandé à Mme Jardel de Larroque, fille d’Edmond Géraud, l’autorisation de prendre copie.
  2. Arago quitta Bordeaux après 1830 et se fixa à Rouen, où Marceline le retrouva (lettre à son fils Hippolyte, 30 décembre 1832, dans Marceline Desbordes-Valmore. Lettres inédites recueillies et annotées par son fils Hippolyte Valmore (1812-1857), préface de Boyer d’Agen. Paris, 1912, p. 237).
  3. Kaléidoscope, t. III, p. 228-232, 300-304.
  4. Ibid., t. II, p. 73-74.