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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

ne révèle pas tous les secrets de la Muse ; il faut encore joindre les efforts d’un travail studieux et se défier surtout des pièges de la facilité. » En somme, la lecture des Élégies rappelle un peu « l’effet de ces verres d’optique à travers lesquels on ne regarde pas longtemps sans avoir les yeux troubles et fatigués ». Géraud loue, d’ailleurs, dans l’Indiscret « un mérite de clarté, de précision et d’énergie… une fermeté de ton et une vigueur de coloris qui, suivant l’expression de Montaigne, nous fiert d’une si vive secousse » ; la pièce intitulée Souvenir lui semble « écrite d’un style qui respire la passion sans blesser la justesse » ; dans les deux élégies à sa sœur, on croit entendre « les soupirs et les plaintes de Phèdre elle-même » ; le Soir d’été est « un morceau délicieux ». En faisant un choix dans les poésies de Mme Desbordes-Valmore, on pourrait composer un petit volume qui serait un chef-d’œuvre ; mais l’auteur a besoin d’apprendre « le métier[1] ». Le jugement est d’un critique délicat et pénétrant, d’un ami qui sait réserver son indépendance.

Des relations assez intimes s’étaient, en effet, établies entre eux. Les manuscrits d’Edmond Géraud contiennent une première rédaction, de la main de Marceline, d’une pièce, L’Orage, qu’elle imprima dans le recueil publié en 1830 chez Boulland et qui fut écrite à Bordeaux[2]. On y trouve aussi deux lettres à Mme Géraud qui méritent d’être citées :

Je desire vivement apprendre, Madame, que rien n’a troublé votre tranquillité et que votre charmante Élodie n’a été, comme tous les enfans, qu’un peu émue du changement de la saison. Vingt fois le jour leurs petits traits s’altèrent et se remettent. J’ai des transes et des tourmens qui me font deviner et partager les votres.

J’irai, Madame, vous remercier moi-même de la grâce que vous mêlez au souvenir dont vous honorez la personne au monde qui en est le plus touchée.

Marceline D.-Valmore.
Bordeaux, le 14 février [1826][3].

Un mot de réponse, en grâce, Madame, sur les intentions de Monsieur

  1. Annales de la Littérature et des Arts, Ve année, t. XVIII, ccxxviie livraison samedi 12 février 1825. Paris, 1825, in-8o, p. 255-264.
  2. Poésies, éd, Boulland, t. II, p. 157.
  3. Mss. d’Edmond Géraud, lettres originales, p. 196.