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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

très distingué ; mais j’ai remarqué de trop longues éclipses ; je lui ai reproché de n’être pas toujours en scène et de laisser quelquefois errer son esprit dans les espaces imaginaires[1] ». Le Kaléidoscope d’Arago confirme Géraud. En particulier, il trouve que Valmore était mauvais dans la tragédie. Géraud et Arago tempèrent, d’ailleurs, leurs critiques par une bienveillance qui ressemble fort à de l’indulgence. On sent qu’ils ont voulu ne pas trop contrister Marceline, qui, on le sait, avait une admiration sans mélange pour le talent de son mari. Mais il ne faut pas douter qu’ils préféraient celui de la femme.

Valmore avait été mis par son métier en relations avec Edmond Géraud. Marceline ne tarda pas à faire, elle aussi, la connaissance du poète. Le 17 juin 1823, Lorrando écrivait à ce dernier qu’il espérait le rencontrer, le soir, chez Mme Paul Nairac : « Nous y verrons, ajoutait-il, la dixième Muse ». Marceline avait donc été introduite, grâce à Sophie Gay, qui l’avait recommandée à la maîtresse de la maison, dans ce salon de la rue du Palais-Gallien, 27, où se retrouvaient tous les beaux esprits de Bordeaux. Géraud a plusieurs fois mentionné dans son journal la présence de Marceline à ces réunions et donné quelques détails intéressants sur la part qu’elle y prenait. Il écrivait, le 24 juillet 1824 :

Soirée passée chez Mme Nairac, où se trouvaient Garat, Mme Desbordes-Valmore, son beau-père, Mme Vendure, etc. On y conte des histoires de fantômes, de pressentiments et de rêves étranges, madame Marceline surtout, qui raconte fort bien. On lui a fait lire mes poésies et ma nouvelle du Gabeur : elle trouve, dit mademoiselle Nairac, que cela est désespérant de clarté. Pauline, qui était avec moi, s’amusa ce soir là au point d’oublier sa fille jusqu’à onze heures[2].

Géraud nous a conservé deux traits qui prouvent que Marceline n’était pas toujours la Muse larmoyante qu’on s’imagine parfois. Si elle avait renoncé au théâtre, elle savait, à l’occasion, se souvenir qu’elle avait été actrice et cantatrice, et elle s’en souvenait pour amuser ses amis. Géraud écrit en octobre 1825 :

Voici un couplet que madame Desbordes-Valmore chante très plaisamment sur l’air de : Femmes, voulez-vous éprouver… ? Il est, dit-on, de

  1. Mémorial bordelais, 29 décembre 1823. Cf. les appréciations identiques du Journal de Lyon, signalées par E. Vial (La Connaissance, juin 1921, p. 441).
  2. Maurice Albert, Un homme de lettres sous l’Empire et la Restauration, Paris, [1893]. p. 234.