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surchargeaient les meubles à tablette ; trois photographies sous verre et un bouquet de fraîches giroflées étaient les seuls objets posés sur la petite étagère d’encoignure.

Cette sobriété dans l’ameublement, l’absence de tout bariolage, agrandissait la pièce tout en lui donnant un cachet d’élégance qui surprenait d’abord dans ce modeste logis, mais s’expliquait tout de suite à la vue de Martha, si gracieuse, si distinguée de manières et dont le visage avait quelque chose de fier dans sa douceur. C’est elle qui avait présidé à l’arrangement de cette petite salle à manger où se réunissait la famille après le travail du jour.

Cependant, la jeune fille, qui avait fini de dresser la table demeurait appuyée contre le buffet ; elle semblait très lasse ce soir, perdue en de mornes songeries ; une profonde tristesse se lisait dans ses yeux, qui avaient pleuré. Parfois un léger sanglot s’échappait de sa poitrine oppressée. Soudain, et comme attirée par une force invincible, elle s’approcha doucement de l’étagère pour s’absorber dans la contemplation d’un portrait de soldat placé entre ceux de son frère et de sa jeune sœur. Cette figure peu régulière, mais qui la regardait avec tant de bonté à travers l’ahurissement jovial et souriant de la pose, la pénétra tout à coup d’une nouvelle émotion. Elle ne put retenir ses larmes.

— Allons, allons, fille…

C’était son père, qui venait d’entrer sans qu’elle s’en doutât et l’écartait tendrement de la chère image.