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démentir la sévérité de son caractère, elle avait imposé aux amoureux de longues fiançailles, que la mort héroïque du jeune homme avait rompues aux premiers jours de la guerre.

Charlotte n’était pas ce qu’on a coutume d’appeler une belle personne ; mais elle avait une figure aimable, des joues fraîches et colorées comme un brugnon. Quant à son cœur, il ressemblait à celui de son père. Sept mois s’étaient déjà écoulés depuis le funeste événement et la pauvre enfant demeurait inconsolable en dépit de sa grande jeunesse. Elle sentait profondément tout ce qu’elle avait perdu. Son père, affligé comme elle, respectait sa douleur taciturne et n’essayait de l’adoucir que par une tendresse plus attentive. Mais la mère trouvait sa fille un peu ridicule de s’entêter ainsi en de stériles regrets.

— Dans ce malheur, disait-elle brutalement, félicite-toi de n’avoir pas été mariée. J’étais, ma foi, bien avisée en prolongeant vos fiançailles, sinon tu serais veuve aujourd’hui et d’un établissement difficile à cause des conséquences…

« À cause des conséquences »… Les vilains mots dans cette bouche maternelle et qui augmentaient la douleur de la pauvre enfant.

Les conséquences ! Oh ! quelle les eût acceptées avec joie ! Comme elle aurait été heureuse et fière dans sa détresse de sentir tressaillir en elle l’enfant de son amour, le fils d’un brave !…

L’absence de son frère ajoutait encore à sa peine, de même qu’elle remplissait le charbonnier d’une continuelle anxiété.