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de sortir du petit bouillon d’en face et demeurait planté sur le trottoir dans la contemplation de la quincaillerie sans que la pluie parût l’incommoder le moins du monde.

Le commis s’étonna d’abord, observant l’homme avec une curiosité inquiète. Soudain celui-ci traversa la rue et d’un pas délibéré entra dans le magasin.

Bernard ne put retenir un frémissement et se leva, très pâle, car rien ne lui était si pénible que d’avoir affaire avec un ennemi. Mais son malaise devint encore plus aigu lorsque, dévisageant l’intrus, il reconnut Mosheim, le commis-voyageur.

— Vous ne me remettez pas, dit celui-ci d’un ton doucereux et avec son affreux accent tudesque. Ce n’est pas étonnant. Hein, je suis drôle dans cette vilaine capote ?

Bernard ne répondit pas et froidement :

— Que désirez-vous, Monsieur ?

— Je ne voulais pas la mettre, continua le teuton sans paraître avoir entendu, mais la commandantur, elle m’a obligé. C’est ridicule…

En effet, sous l’uniforme trop large, sale et mouillé, ce « landsturm » à grandes lunettes rondes était assez grotesque, répugnant même avec ses fortes moustaches et sa barbe encore poissées de sauce suspecte.

— Que désirez-vous ? répéta le jeune homme en retenant un haut le cœur.

— Bé, rien du tout ou du moins pas de marchandises. Je suis entré en passant pour une fois prendre des nouvelles de mossieu Prosper.