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comptait de nombreuses sympathies. On se doutait de ses intelligences avec certains messagers ; beaucoup de parents de soldats lui devaient d’avoir été rassurés sur le sort de leurs fils et de pouvoir correspondre avec eux. Au reste, c’est elle qui avait eu l’idée d’adopter des prisonniers enfermés dans les camps d’Outre-Rhin et de leur faire passer des colis de vivres, geste tout généreux de sa part mais que son père avait fait servir de réclame à son commerce en exposant dans un grand cadre, au milieu de la triperie, les portraits hâves quoique souriants des pauvres internés.

On savait que, grâce à ses accointances mystérieuses, elle aidait les jeunes gens à passer la frontière. Cela ne faisait mystère pour personne que le fils Lavaert, dont on connaissait le tendre sentiment à son égard, n’était parti que pour lui complaire et tâcher de l’obtenir un jour. On plaignait donc la jeune fille, mais avec prudence.

En attendant, telle était la crainte d’être compromis — car tout le monde était verrouillable — qu’un grand nombre de clients, quoique dévorés du désir d’avoir des détails, s’abstenaient de paraître à la triperie, dont le chiffre d’affaires baissa tout à coup dans une proportion désastreuse.

Il était au moins étrange que Vergust n’eût pas été arrêté en même temps que sa fille. Mais cela tenait sans doute aux relations plus ou moins aimables qu’il entretenait depuis longtemps avec les limiers de la Kommandantur.