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Elle se dégagea d’un brusque mouvement et saisissant un affiloir qui traînait sur le billot :

— Allez-vous-en ! s’écria-t-elle, blême de colère en se frottant la nuque avec dégoût. Allez vous-en ou je vous…

Il s’était vivement reculé et, tout déconfit :

— Ça été plus fort que moi ! Il faut me pardonner Mademoiselle Emma… Vous savez bien que je vous aime !

— Allez-vous-en, je vous dis !

Il prit un air humble et soumis :

— Oui, je m’en vais… Mais je suis bien triste… Je croyais que, vous aussi, vous m’aimiez un peu…

Elle s’était ressaisie : un flot de sang empourpra son visage.

— Moi, vous aimer ! s’écria-t-elle avec véhémence. Ah ! merci bien, alors !

— Oh ! pourquoi donc ?

Elle le regarda fixement :

— Parce qu’on ne sait pas aimer un lâche !

— Oh !

— Oui, un lâche ! poursuivit-elle en déchargeant tout ce qu’elle avait sur le cœur, un lâche qui s’amuse ici, fume des cigarettes, embrasse les femmes quand les compagnons de son âge se battent pour nous de l’autre côté !… Oui, vous êtes un lâche et encore plus lâche de ne pas avoir honte de votre lâcheté !

C’était la première fois peut-être qu’on lui disait aussi brutalement, en face, l’opinion qu’on avait de lui. Il en restait tout abasourdi et, mal-