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L’ÉTOILE DE PROSPER CLAES

militaires qui l’eussent d’ailleurs privée de ses agréments et faite plus morne encore qu’une forteresse d’outre-Rhin. Bruxelles regorgeait de monde sous l’afflux des hordes tudesques, des bandes de mouchards et de catins.

Les rues demeuraient donc animées, quelques-unes plus fourmillantes que jadis de l’affreuse marée étrangère. Les places, encombrées de guérites, de pavillons et de baraques, avaient pris un aspect repoussant ; car « ils » ne se contentaient pas de polluer la ville par leur présence, il fallait encore qu’elle subît l’infection de leur mauvais goût.

Les artères centrales, où grouillaient le troupeau gris et ses porchers, étaient désormais barrées aux vrais Belges par l’intolérable souffrance dont elles leur peignaient le cœur.

Là, le gain primait les sentiments ; là, c’était le lucre, qui mène aux basses compromissions, à la bienveillance envers l’ennemi.

Depuis longtemps, certains boutiquiers s’étaient fait une raison : la guerre les avait déjà enrichis ; ils ne la déploraient plus qu’en tartufes repus. Et le soir, cafés, restaurants, cinématographes entassaient dans leurs coffres les marks inodores.

Et les charcutiers ! Oh, ceux-là crevaient de pléthore ! Irrassasiables pourtant, ils ne cessaient d’abattre des cloisons, d’agrandir leurs palaces, d’ouvrir chaque jour des succursales. À peine si les porcs éventrés, restaient un instant suspendus, en grande toilette de boucherie, aux crocs nickelés du plafond et des étals ; tout de