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550 CHAPITRE XXIII.

mènes sensibles, comme le témoignage de la conscience dans l’investigation scientifique des phénomènes internes, si la raison n’apercevait pas entre les faits sensibles des dépendances telles, que les uns peuvent être pris pour la manifestation et la mesure des autres. Nous atteignons ainsi, par une observation indirecte, des faits qu’il ne nous serait pas donné d’atteindre par l’observation directe. Nous mesurons ainsi des grandeurs hors de toute proportion avec les organes des sens, la vitesse si grande de la lumière et les dimensions si petites des ondulations lumineuses. Tout ceci est une conséquence de l’inépuisable variété des combinaisons auxquelles donne lieu la coordination des phénomènes dans l’espace, et de la fécondité qui est propre aux conceptions géométriques (141). Mais lorsqu’on aborde immédiatement l’étude des phénomènes intellectuels de l’ordre le plus élevé, de manière à perdre toute trace des rapports des fonctions avec l’organisme, les phénomènes échappent à toute coordination dans l’espace. Ils ne sont point affranchis pour cela de la coordination dans le temps ; mais, quant à l’investigation empirique, cette condition est comme non existante. Nous n’avons, à ce qu’il semble, aucun moyen d’apprécier le temps qu’exige l’accomplissement d’un phénomène de cette nature, l’intervalle de temps qui sépare nécessairement deux phénomènes déterminés ou deux phases déterminées d’un même phénomène. Des phénomènes peuvent se superposer, se confondre, sans qu’il nous soit donné de les distinguer, ni par leur coordination dans l’espace, ni par leur coordination dans le temps.

On ne saurait espérer de surmonter ces obstacles qu’en renouant, si faire se peut, la chaîne interrompue ; et pour cela il faut procéder graduellement dans l’étude régulière et méthodique des phénomènes intellectuels, en partant de ceux dont les liaisons avec les conditions de structure organique sont le plus évidentes, et en allant ainsi de proche en proche : de manière à profiter de l’arrangement déjà mis dans les phénomènes d’un ordre inférieur, pour tenter l’analyse et l’arrangement scientifique des phénomènes de l’ordre immédiatement supérieur.

Là enfin où toute représentation dans l’espace devient impossible, où toute mesure nous fait défaut, les moyens de