Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/556

Cette page n’a pas encore été corrigée

544 CHAPITRE XXIII.

sont obligés de se payer de mots, de formules creuses et arbitraires.

La logique, au contraire, est une véritable science qui vient se placer sans effort dans le cadre de l’enseignement : on en peut dire autant de ces problèmes philosophiques qui, pour n’être pas susceptibles d’une solution scientifiquement démontrée, n’en comportent pas moins une définition rigoureuse et une analyse exacte (321).

Ceux qui sont d’avis d’introduire la psychologie dans l’enseignement en la plaçant en tête du cours d’études philosophiques, donnent naturellement pour raison qu’il est dans l’ordre d’étudier les facultés de l’esprit humain avant de procéder à l’analyse des idées que ces facultés lui procurent. Les anciens scolastiques alléguaient un motif tout aussi plausible d’attribuer la priorité à la logique, quand ils disaient que la logique est l’instrument qui nous sert dans la recherche de la vérité, et qu’il faut d’abord apprendre à connaître l’instrument qu’on doit manier. Mais heureusement la nature nous a accordé plus de liberté dans le jeu de nos facultés, et dans les exercices qui doivent les perfectionner. On peut étudier la logique et approfondir une foule de questions qui tiennent à la philosophie générale, sans porter son attention sur les fonctions psychologiques ; tout comme on peut apprendre la gymnastique sans une étude préalable de l’anatomie du corps humain, et tout comme un maître de musique peut donner à son élève des leçons profitables, sans être obligé de lui enseigner d’abord les théories de l’acoustique ou l’anatomie de l’oreille, que presque toujours il ignore lui-même.

371. — Laissons là au surplus cette question qui intéresse la pratique de l’enseignement plutôt que la doctrine, et venons à la discussion du principe même d’où partent les philosophes qui ont la prétention d’atteindre à la démonstration scientifique aussi bien que les physiciens et les chimistes, et peut- être même mieux qu’eux ; d’être comme eux les continuateurs de la réforme de Bacon, en fondant leurs systèmes philosophiques sur la psychologie, et la psychologie sur l’observation. Le principe de ces philosophes est qu’il y a deux sortes d’observation, correspondant à deux sortes de faits distincts, ou plutôt contrastants : une observation par les sens, laquelle s’applique aux phénomènes du monde extérieur, et à l’étude