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DE LA PSYCHOLOGIE. 537

moyenne où ils se pénètrent mutuellement, et n’empêche ni la solidarité du système, ni la réaction des parties les unes sur les autres. C’est ainsi à peu près que la distinction des étages géologiques n’empêche pas qu’on observe des enchevêtrements et des mélanges au passage d’un étage à l’autre, et que souvent les terrains inférieurs portent les marques d’altérations profondes, provenant d’une influence exercée par les terrains qui les ont recouverts.

365. — A mesure que l’on marche vers l’étage supérieur des phénomènes de la série psychologique, ou vers la psychologie exclusivement humaine, les ressources qu’on peut tirer des observations anatomiques et physiologiques vont en s’appauvrissant ; et il y a à cela bien des raisons évidentes. D’abord l’anatomie vulgaire n’apprend sur l’organisation du cerveau rien ou presque rien qui tende à expliquer ou à faire concevoir le jeu des fonctions de cet organe de la pensée ; une autre anatomie bien plus délicate, dont les premiers essais ne remontent pas au delà du commencement de ce siècle, est encore trop peu avancée pour jeter un grand jour sur ce sujet si compliqué et si difficile. D’ailleurs, sans que les aptitudes psychologiques cessent d’être liées aux caractères organiques, la liaison porte (et ceci est bien important à considérer) sur des caractères organiques d’une importance décroissante, à mesure qu’il s’agit d’aptitudes psychologiques d’un ordre plus élevé. Ce ne sont plus des caractères de genres, d’espèces, mais des variétés de races, ou plus souvent encore des variétés individuelles, dépourvues de toute fixité dans la transmission, qui se lient aux différences d’aptitudes les plus importantes, intellectuellement et moralement. Par là il y a contraste bien marqué entre l’étude des faits au point de vue du naturaliste et du médecin, et l’étude des mêmes faits ou de faits connexes, au point de vue du psychologue et du moraliste. Sans excéder les limites d’une induction légitime, nous pouvons avancer que ce contraste se maintiendra, quels que soient les futurs progrès de l’étude des caractères organiques dans leur liaison avec les aptitudes intellectuelles et morales.

Il est pareillement incontestable que la pensée humaine, sans pouvoir jamais s’affranchir des liens de l’organisme, tend de plus en plus à se gouverner dans ses évolutions progressives d’après des lois qui lui sont propres, et qui n’ont avec