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DE L’HISTOIRE ET DE LA SCIENCE. 465 tées sur le compte des accidents locaux, et ne doivent pas faire méconnaître l’unité systématique des parties disjointes. Pour l’appréciation de la valeur intrinsèque de tous ces liens systé- matiques, et pour la conception même de l’unité systéma- tique, interviennent donc à tous égards des jugements où la raison ne procède point par voie de définition et de déduction logique, et dont la probabilité ne comporte pas d’évaluation rigoureuse. De telles conceptions systématiques, introduites dans la description des faits naturels, non seulement pour la commodité de l’esprit, mais encore pour donner la clef et la saine intelligence des faits en eux-mêmes, ne doivent pas être confondues avec les théories vraiment scientifiques, encore moins avec la partie positive des sciences, qui admet le con- trôle continuel de l’expérience. Elles ont au contraire tous les caractères de la spéculation philosophique, caractères sur lesquels nous n’avons cessé d’insister dans tout le cours de cet ouvrage, et sur lesquels nous devons encore revenir dans le cha- pitre suivant, spécialement consacré à marquer le contraste de la philosophie et de la science proprement dite. 316. — Or, n’est-il pas clair que toutes ces réflexions s’appli- quent, mutatis mutantis, à l’histoire philosophiquement traitée, au tableau des événements historiques, quand on se propose d’y mettre en relief les traits dominants, et d’y prévenir la con- fusion des détails par la distinction des masses et la subdivi- sion des groupes principaux ? Cet art de pénétrer dans la rai- son intime des faits, d’en démêler l’ordonnance, d’y saisir les fils conducteurs, peut-il se ramener à des règles fixes, conduit-il à des distinctions catégoriques, projette-t-il partout une lu- mière égale ? Non, sans aucun doute. Toutes les conceptions systématiques sur lesquelles se fonde l’histoire philosophique peuvent être plus ou moins contestées, et aucune ne com- porte de démonstration proprement dite ou de confirmation expérimentale et positive : quoiqu’il y en ait que tout esprit éclairé et impartial n’hésite pas à accepter, comme donnant de la raison essentielle des choses et du développement pro- gressif des événements une expression aussi fidèle, aussi exempte de partialité et d’arbitraire, et aussi complètement dégagée des accidents fortuits, que le permettent, dans des choses si compliquées, les moyens imparfaits dont notre art dispose. Effectivement, l’historien n’a pas, comme le géogra-