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des transitions, et de combler par l’induction philosophique des solutions de continuité, sans lesquelles il n’y aurait pas de système de classification applicable à la série des organismes, des développements et des métamorphoses, la marche sera nécessairement inverse. Il faudra, par exemple, pour mettre en relief les analogies des végétaux et des animaux, s’attaquer d’abord aux types inférieurs de l’une et de l’autre série, chez lesquels les caractères différentiels des deux séries sont encore flottants et indécis. Plus généralement, il conviendra de remonter à l’organisation embryonnaire, d’en observer les traits encore mal définis et les transformations fugaces : car, à ce point de départ, les ressemblances et les analogies devront l’emporter sur les différences ; comme les différences caractéristiques l’emporteront plus tard sur les ressemblances et les analogies primordiales, après que les êtres auront parcouru toutes les phases de leur évolution, et que les types se seront constitués d’une manière définitive et conforme aux conditions finales d’harmonie. Il en résulte que la science proprement dite, c’est-à-dire la connaissance méthodique des faits précis, arrêtés, rigoureusement constatés et susceptibles de coordination théorique, s’appuiera principalement sur l’étude des êtres arrivés au summum de développement et de complication organique : tandis que la philosophie de la nature, fondée sur la perception de transitions et de modifications continues, sur l’appréciation d’analogies et de similitudes qui ne comportent pas de mesure ni de détermination rigoureuse, devra principalement s’attacher à l’observation des organismes simplifiés et abaissés à l’état rudimentaire. En un mot, dans les sciences physiques, en chimie par exemple, le surcroît de complication tend à combler les distances, à manifester les analogies, à effacer les solutions de continuité, à favoriser l’induction philosophique en affaiblissant par cela même l’importance des caractères différentiels qui servent de base à la détermination et à la classification scientifiques ; le contraire arrive dans les sciences naturelles par le surcroît de complication de l’organisme : fait capital, qui marque bien le passage d’un ordre de phénomènes à un autre, et dont la raison profonde se trouve dans l’essence même de l’organisation, qui n’est qu’une tendance à l’unité par la coordination des parties.

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Ce concours harmonique des forces, des organes et