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source dans les conceptions de la mécanique rationnelle et de la géométrie. Les attractions ou répulsions entre des molécules à distance ne doivent produire que des effets régis par la loi de continuité : les affinités chimiques ne donnent lieu qu’à des associations ou à des dissociations brusques, et à des combinaisons en proportions définies. D’où viendrait cette distinction tranchée entre différents états moléculaires, si les actions chimiques, ne variant qu’en raison des distances, n’éprouvaient que des altérations infiniment petites, quand les distances ne varient elles-mêmes qu’infiniment peu ? De même, si les atomes élémentaires disjoints ne différaient les uns des autres que par les dimensions et par les figures, ou si les groupes qui constituent les molécules chimiques composées ne différaient que par le nombre et par la configuration des atomes élémentaires, maintenus à distance les uns des autres dans l’intérieur de chaque groupe, on ne voit pas comment il serait possible d’expliquer la distinction essentielle des radicaux et des composés chimiques, et tout le jeu des affinités qui produisent les compositions et les décompositions dont le chimiste s’occupe. La différence des masses ne peut pas plus que la différence des configurations et des distances rendre raison de tous ces phénomènes, puisque la masse est sujette aussi dans ses variations à la loi de continuité, et qu’au surplus la théorie des équivalents chimiques manifeste un contraste des plus remarquables entre la masse que l’on considère en mécanique, laquelle se mesure par le poids et par l’inertie des corps, et ce que l’on pourrait nommer la masse chimique, laquelle est mesurée par la capacité de saturation. Donc, de toute façon, l’on arrive avec M De Humboldt (117, note) à cette conséquence, que les phénomènes chimiques sont inexplicables par les seuls principes de la mécanique ; et que les notions d’affinité ou d’attraction élective, sur lesquelles reposent les explications des chimistes, sont des notions irréductibles à inscrire sur le catalogue des idées premières que la raison admet sans les expliquer, et qu’elle est forcée d’admettre pour l’enchaînement des faits observés.

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Ainsi, d’une part, nous avons l’idée d’une certaine subordination entre diverses catégories dans lesquelles se rangent les phénomènes de la nature, et entre les théories