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des atomes ou des molécules élémentaires. Ces molécules sont des centres d’où émanent des forces attractives et répulsives, voilà ce que l’expérience et le raisonnement semblent indiquer d’une manière certaine ; mais qu’elles aient la forme de sphères, d’ellipsoïdes, de pyramides, de cubes, ou qu’elles affectent toute autre figure courbe ou polyédrique, c’est ce qu’aucune observation ne peut nous apprendre, ni même nous faire présumer. Il semblait au premier aperçu, et l’on a cru pendant quelque temps que des lois de la cristallographie ressortait une indication de la forme polyédrique des molécules élémentaires ; mais, quand ces lois ont été mieux connues et mieux interprétées, toute conséquence de ce genre s’est trouvée dépourvue de solidité et contraire aux inductions d’une saine physique. Ainsi, pour ne rappeler qu’un fait déjà cité (114), le dimorphisme de certaines substances oblige d’admettre que la forme cristalline n’est pas une propriété invariable et inhérente aux dernières molécules des corps, mais le résultat et la conséquence déjà éloignée d’un mode de groupement qui peut changer, entre des molécules dont la figure (si figure elles ont) reste aussi indéterminée pour nous qu’elle pouvait l’être avant toute étude des phénomènes de la cristallisation. Aussi bien aurait-on pu et dû prévoir cette conséquence à laquelle le progrès de l’étude a conduit ; car il répugne à la raison d’admettre que nous puissions, avec les organes et les facultés dont la nature nous a doués pour connaître les choses à la faveur des relations qu’elles ont avec nous, atteindre en quoi que ce soit à l’essence des choses et à la réalité primitive et absolue (8 et 10) ; comme on y atteindrait effectivement dans le système atomistique, si l’on pouvait assigner la figure des éléments primordiaux, des atomes indestructibles, dont l’existence expliquerait tous les phénomènes physiques, tandis qu’elle-même ne pourrait être rapportée qu’à un décret immédiat de la volonté créatrice. La raison n’aurait pas moins de peine à admettre qu’un décret primitif et inexplicable eût donné la préférence à telle forme polyédrique sur telle autre ; eût choisi tel nombre de degrés et de minutes plutôt que tel autre, pour l’inclinaison de deux faces ou de deux arêtes ; eût donné aux arêtes des polyèdres, aux rayons des sphères, aux axes des ellipsoïdes, telle fraction de millionièmes de millimètre plutôt que telle autre : comme