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REVUE DES SCIENCES POLITIQUES.

et l’accord avec l’Angleterre n’était pas complet sur la question chinoise. Le baron Katô fut sur le point de se retirer ; puis un nouveau projet d’ultimatum fut rédigé ; l’on en avait totalement écarté le groupe V des demandes, à l’exception d’une clause concernant le Fou-kyen et qui passa dans le traité ; de rapports reçus, on concluait que les ministres chinois n’étaient pas préparés à maintenir davantage leur résistance. Les gen-rô acceptèrent la rédaction corrigée qui fut communiquée le 7 mai au ministère chinois ; ils furent vivement blâmés pour leur modération taxée de faiblesse qui assurait, disait-on, un succès à la diplomatie de Péking ; des journaux, Asahi, Nitsi nitsi, Yorodzou, conjurèrent le gouvernement de renoncer à réunir ce conseil extralégal ; des interpellations furent adressées au baron Katô qui assuma complètement la responsabilité de la politique suivie[1].

Cette ligne de conduite était marquée au coin de ce bon sens et de ce tact qui caractérisent au Japon la direction des relations extérieures. On en peut juger par diverses opinions étrangères, ainsi par celle du gouvernement de Washington et par celle de la presse anglaise de Chang-hai. Aucune intervention officielle ne semble s’être exercée pendant les négociations entre la Chine et le Japon, mais il y eut sans nul doute des communications avec les Cabinets étrangers ; une note des États-Unis transmise le 15 mai aux deux ministères de Péking et de Tôkyô, déclara que cette Puissance ne reconnaîtrait aucun accord ni aucune entreprise lésant soit les droits acquis par son gouvernement ou par ses citoyens, soit l’intégrité politique ou territoriale de la République Chinoise, soit le principe international de la porte ouverte. La limite ainsi fixée à l’action du Japon était la même qu’admettait le rédacteur du North China Herald, quand il écrivait le 8 mai qu’il ne pouvait croire à la violation par le Japon de ses promesses et de l’alliance, et quand il le félicitait le 10 de n’avoir pas imposé à la Chine le choix entre la guerre avec perte de territoire et la renonciation à toute indépendance. La note officielle et les réflexions du journaliste montrent quelles étaient les craintes et combien le Japon eût perdu à suivre les conseils extrêmes[2].

  1. North China Herald, 1er mai 1915, p. 346 ; 8 mai, p. 397, 416, etc. — Japan Mail, 1er mai 1915, 8 mai, 15 mai, etc.
  2. North China Herald, 15 mai 1915, p. 441, 485 ; 29 mai, p. 641.