pendantes cette demande était dans l’esprit du baron Katô une mesure de condescendance et une preuve de l’intérêt attaché par son gouvernement à l’intégrité de la Chine, au maintien de l’ordre sur le territoire de la République, elle acheminait en même temps le Japon vers l’obtention des avantages substantiels auxquels le voisinage, les intérêts existants, les conditions actuelles lui permettaient de prétendre. Faute de pouvoir écarter la proposition, le gouvernement de Péking entra en discussion ; ouvertes le 2 février, les conférences se succédèrent pendant trois mois sans qu’on approchât de la solution pour quelques points des plus importants ; tandis que le ministère chinois opposait à M. Hioki une résistance opiniâtre par tout un jeu de compensations, de contre-propositions, des réunions populaires se tenaient dans les principales villes chinoises, des pétitions souvent menaçantes étaient adressées aux autorités, le boycottage des produits japonais s’organisait. Vers le 20 mars des troupes fraîches débarquèrent du Japon pour renforcer les gardes des voies ferrées et les garnisons au Chan-tong et au Lyao-tong ; quelques centaines d’hommes entrèrent à Tsi-nan, autant dans la ville chinoise de Moukden ; pendant quelques séances le ton des discussions à Péking fut particulièrement amical. L’insistance des négociateurs japonais, la pression exercée ainsi sur la Chine accroissaient d’autre part l’inquiétude née dans les milieux commerciaux et industriels anglais qui craignaient de voir léser les intérêts proprement britanniques ; plusieurs chambres de commerce, celles de Manchester, de Bradford, exprimèrent ce sentiment, trouvant fâcheux que le Japon profitât des complications européennes pour promouvoir ses avantages particuliers. L’opinion anglaise était d’ailleurs mal informée des demandes présentées le 18 janvier et discutées depuis lors ; de divergences entre les communications à la presse émanées de Tôkyô et de Péking, elle concluait que le baron Katô avait usé de dissimulation à l’égard du Foreign Office, et justement pour les demandes les plus graves. Rien alors ni depuis, à juger froidement, n’autorise ce soupçon et il est fort naturel que la diplomatie japonaise n’ait pas fait ses confidences à la presse. Elle profita toutefois de l’indication et, pour alléger la tension renaissante à Péking, présenta de ses demandes une liste réduite au minimum, souhaitant une réponse prompte, mais sans fixer de délai (26 avril). La réduction portait sur-
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