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REVUE DES SCIENCES POLITIQUES.

Ce procédé fut, au Japon, tenu pour une insulte et la situation changea immédiatement de caractère[1].

Un État d’organisation moderne, pour peu qu’il entretienne des relations avec la Chine, a toujours des griefs à faire valoir ; plus ces rapports sont fréquents, plus les sujets de plainte ont chance de se multiplier. Asile accordé à des conspirateurs ou à des bandes de brigands, contestations de frontière, litiges pour le passage des caravanes, pour la jonction des voies ferrées, droits perçus arbitrairement, saisies de marchandises opérées indûment ou sans les formes requises, obstacles mis publiquement ou sournoisement à la circulation, à la résidence des sujets étrangers, à l’exercice des droits qui leur sont reconnus, conflits de juridiction, sévices et meurtres, insultes au pavillon, par toutes sortes de violations de détail des accords conclus, les mandarins de l’Empire s’efforçaient, le plus souvent avec une courtoisie souriante, de reprendre ce que le Tsong-li yamen avait à son corps défendant accordé en bloc, et les fonctionnaires de la République, remplaçant l’orgueil d’une antique civilisation par un nationalisme soupçonneux, tâchent d’empiéter sur les privilèges concédés, avec des arguties de juriste et une rudesse qu’ils croient bien occidentale. Sans conteste, la Chine a eu à souffrir dans sa grandeur politique, dans son idéal de société, dans son orgueil partiellement légitime, bien plutôt que dans ses intérêts matériels ; mais il ne s’est encore trouvé chez elle aucune aristocratie pour comprendre la condition nouvelle faite à l’Extrême-Orient, tirer la leçon des événements, adopter une attitude permettant de voir venir et d’affronter ; aussi la politique étrangère de Péking a-t-elle consisté en une série mal liée de réactions contre les poussées extérieures c’est jusqu’ici en quelque sorte contre l’attaque d’un être évolué, doué de centres nerveux qui commandent, d’organes subordonnés les uns aux autres, la riposte instinctive d’un être moins complexe, presque linéaire. Le Japon, par raison de voisinage, par suite de son développement politique, par l’effet de son activité économique, a des intérêts graves, qui à ses yeux doivent l’emporter sur ceux de quiconque et qui pâtissent du manque de direction de la politique chinoise. La guerre à coups d’épingle agrée peu au gouvernement de Tôkyô, et

  1. Japan Mail, 14 novembre 1915, p. 471 ; 16 janvier 1915, p. VII ; 23 janvier, p. 59.