Japon avait le même intérêt que la Triple-Entente à briser une menace de domination universelle, il pouvait utilement agir soit en Pologne, soit au canal de Suez, point aussi important pour lui-même que pour l’Angleterre, soit dans l’Inde en déchargeant son alliée de garder ce domaine. Le Nitsi nitsi, qui n’était pas adversaire irréconciliable du projet, énumérait les objections, nécessité de surveiller la Chine, de se tenir prêt à défendre l’Inde selon le traité d’alliance, de faire face aux complications éventuelles. Mais la grosse difficulté résidait dans le sentiment national au sujet du rôle de l’armée : la nation étant une seule famille sous la direction suprême de son chef, celui-ci ne saurait vouloir employer l’armée sortie de la nation que pour la sauvegarde du pays, de ses intérêts, de son honneur ; l’honneur ou les intérêts étaient-ils impliqués dans une expédition si lointaine ? le pouvoir de l’empereur n’étant pas tyrannique n’irait pas jusqu’à envoyer à une telle guerre de prestige et de magnificence des hommes destinés à la défense du pays ; ces hommes pourraient légitimement refuser de partir. Quant à des volontaires, c’est-à-dire à des mercenaires, on n’en trouverait pas au Japon, pas plus qu’on ne trouverait un cabinet pour ordonner une campagne dont les frais seraient payés par une puissance étrangère. En tenant compte de ces idées très répandues, on comprend comment le gouvernement ne pouvait songer à une intervention avouée en Occident[1].
Les troupes japonaises étaient maîtresses du territoire de Kyao-tcheou ; quelques troupes anglaises avaient coopéré avec elles, prenaient part à l’occupation, à l’entrée solennelle dans la ville de Tshing-tao, qui se fit le 14 novembre. Une note collective remise vers la fin du mois par les légations des deux Puissances alliées avisa le ministère chinois de l’établissement d’un gouvernement militaire, d’une garnison et d’une station navale. Par ces mesures prises en commun, la Grande-Bretagne voulait affirmer l’alliance, l’accord des vues ; mais elle s’effaçait derrière son allié, reconnaissait
- ↑ Japan Mail, 7 novembre 1914, p. 437 ; 14 novembre, p. 454, 464, 465 ; 21 novembre, p. 479, 487 ; 19 décembre, p. 575 ; 26 décembre, p. 599, 695 ; 2 janvier 1915, p. 5 ; 23 janvier, p. 59.