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REVUE DES SCIENCES POLITIQUES.

vernement du Mikado poursuivait sa double campagne sans inquiéter les intérêts anglais ni américains.

Une autre question dépassant également l’Extrême-Orient commença d’être agitée vers la chute de Tshing-tao, sans qu’on en pût soupçonner au début les détours embarrassants : quand la ville serait tombée, le Japon devait-il prendre part à la guerre européenne et envoyer des troupes en Occident ? M. Pichon, ancien ministre des Affaires étrangères, semble avoir été le premier à lancer cette idée, qui fut discutée et développée par divers journaux français, puis dans la presse anglaise et russe ; accueillie au Japon d’abord avec une curiosité presque railleuse, elle rencontra d’ardents avocats dans la rédaction du Yamato et trouva même des appuis qui n’ont pas été nommés ; un fonds de propagande fut formé, on convoqua des réunions, un manifeste et un questionnaire furent adressés à tous les hommes marquants qui étaient avisés que, faute de réponse, ils seraient comptés pour partisans de la campagne d’Europe. Ces indiscrétions déplurent à l’opinion, qui s’en prit soit aux Puissances alliées, soit aux partisans du Premier Ministre ; si les alliés, dirent les uns, avaient si grand besoin d’aide, c’est qu’ils n’étaient pas capables de faire leurs affaires eux-mêmes ; et les autres accusaient le comte Ôkouma de machinations pour détourner l’attention du pays et pour raffermir sa popularité. Pourtant, parmi les défenseurs de la campagne en Europe, on comptait des hommes de partis opposés, gouvernemental et séi-yoû kwai ; des journaux de toute nuance, tels le Hô-tsi et le Tchou-wô, discutaient et protestaient. La propagande assez vive causa du souci au gouvernement qui n’avait pas pris parti dès l’abord, qui ne trouvait pas utile d’aller contre le vœu du pays, qui souhaitait aussi de ne froisser en rien les sentiments de ses alliés. Un ministre déclara qu’il désapprouvait l’agitation ; le baron Katô, ministre des Affaires étrangères, expliqua publiquement ses hésitations ; des avis donnés aux propagandistes firent le reste et mirent fin à une campagne entamée à la légère, jugée fâcheuse pour ses conséquences éventuelles. Parmi les partisans de l’intervention armée en Occident, les uns visaient seulement à accroître le prestige de l’Empire, à lui assurer une voix écoutée dans le congrès de la paix. Le docteur Nagao Ariga, précédemment conseiller légal du gouvernement chinois, préconisait l’expédition : le