l’agitation tatillonne, l’apparence de vieille femme de Siu Yong-yi, exécuté en 1900 pour avoir acheté un cercueil au ministre d’Allemagne ; on repasse la galerie des diplomates étrangers, quelques-uns d’allures si caractéristiques, mais qu’il est tôt encore pour caractériser, von Brandt et Denby, Cassini et Gérard, le père Favier. Mais parmi ces souvenirs que de lacunes ! L’observation directe, la conversation même des anciens découvraient un champ limité ; à chaque instant on se heurtait aux réticences, à l’ignorance des détails passés, à l’oubli, au secret des archives. Il était presque impossible au curieux de reconstituer la suite d’une affaire avec des faits dispersés dans cinq ou six chancelleries, dans trois ou quatre journaux dont les collections sont introuvables, dans la mémoire d’une vingtaine d’hommes. Aucun travail d’ensemble ne guidait le chercheur et cette politique de l’Extrême-Orient, dont le poids relatif grandit chaque jour dans la balance diplomatique, n’existait pas pour l’opinion, personne ne s’étant rencontré pour en noter les grandes directions.
Heureusement un observateur patient, sagace, informé, travaillait en silence. Familier dès sa prime jeunesse avec les affaires de Chine, ayant longtemps résidé dans le pays, y ayant voyagé de côté et d’autre, ayant été mêlé au monde des affaires et au monde diplomatique français et anglais, ayant entretenu de durables relations avec plusieurs mandarins chinois, l’auteur a le sens de la réalité, l’expérience personnelle que rien ne supplée. Le souvenir de ce qu’il a vu, nous eût été déjà précieux. Mais sa curiosité toujours éveillée rassemble depuis quelque trente années les documents de tous genres, notes sur des conversations, lettres, copies de pièces, articles de journaux, brochures et ouvrages : tout est mis sur fiches, tout est classé méthodiquement. Ses relations internationales l’ont fait profiter de la mémoire et des notes d’autrui ; sa patience a dépouillé les archives publiques, et les autres, dont les dépôts se sont grand ouverts devant lui. Aussi vient-il à nous les mains pleines de faits triés par sa seule discrétion : tout ne pouvait s’imprimer, quand tant d’acteurs sont encore vivants.
Pour classer cette moisson, l’auteur a pris l’ordre de ses cartons, suivant en partie la chronologie, en partie le développement des affaires. De là, résultent quelques digressions parfois un peu longues, quelques suspensions dans l’action. Mais de là vient aussi une impression puissante de réalité : ni les faits ne s’enchaînent avec la hâte, ni les acteurs ne se meuvent avec la logique que notre pensée